Blue Prince est un jeu de casse-tête géant dans un immense manoir bourré d'énigmes et de secrets. Le twist ? Le manoir n'est pas figé, les salles qui le composent changent chaque jour.

Rogue-lite ou puzzle ?

Blue Prince emprunte en effet une grosse partie de son gameplay aux rogue-lites. D'ailleurs, si on ne prête pas trop attention aux détails, on pourrait presque penser qu'il n'est que ça. Le jeu nous propose d'incarner le jeune héritier d'un oncle excentrique. Dans son testament, ce dernier nous lègue ses biens à la condition que l'on parvienne à atteindre la mystérieuse salle 46, dans un manoir qui n'en comporte que 45.

Dès le début, on se doute que l'étrange pièce "Antichamber" présente sur notre plan est un élément clé pour la trouver. Mais arriver à cette antichambre n'est pas si facile que ça au départ. On doit en effet bien réfléchir à nos déplacements et surtout à la façon dont on va gérer le placement de nos salles. Le gameplay est assez simple : dès que l'on ouvre une porte, le jeu nous demande de choisir parmi 3 propositions la pièce qui se trouvera derrière. Le nombre de sorties est variable selon les salles choisies et on peut vite rester bloqué si on ne construit pas notre manoir judicieusement. Parfois, on voudra choisir un placard n'offrant aucune issue, mais procurant des bonus très utiles pour progresser. Il existe pas mal d'objets disponibles et même un petit système de craft !

Sortez vos cahiers

Je ne dirais pas que c'est le meilleur rogue-lite auquel j'ai joué, loin de la, mais le gameplay fait bien le boulot. Toutefois, il ne saurait suffire et l'intérêt de Blue Prince est bien ailleurs. En effet, le jeu comporte des tonnes de mystères. Et je n'exagère pas, j'ai déjà passé 50 heures sur ce jeu et je n'en vois toujours pas le bout. Potentiellement, tout peut être un indice et les récompenses possibles sont nombreuses. Parfois, ça sera un bonus définitif pour nous aider dans notre progression. D'autres fois, ça sera l'ouverture d'un nouveau lieu. Et bien souvent, la récompense sera juste un indice pointant vers un autre mystère…

Pour apprécier ce jeu, je pense qu'il faut aimer prendre des notes, analyser des captures d'écrans et recouper des informations. Il peut aussi être très intéressant d'y jouer en équipe pour partager ses découvertes. Certains secrets sont en effet bien cachés et je crois qu'à l'heure ou j'écris, tout n'a pas encore été résolu. En tout cas, je n'ai trouvé que 7 des 8 lettres rouges… D'ailleurs, si le but du jeu est de découvrir comment accéder à la salle 46, y arriver n'est pour ainsi dire que le point de départ. Même s'il m'a fallu une quinzaine d'heures pour y entrer, ce n'est qu'après y être parvenu que je me suis réellement pris au jeu et que j'ai commencé à me créer mes propres objectifs.

On pourra par exemple se demander à quoi servent ces étranges tableaux dans toutes les salles, ou si les pièces d'échecs posées un peu partout ont une utilité. Mais il y a des mystères un peu moins évidents et il est clair qu'il y a une histoire bien plus ambitieuse cachée dans ce manoir. On peut par exemple s'amuser à reconstituer la liste des habitants et des domestiques de notre défunt oncle. Je n'ai aucune idée de si ça a une utilité, mais j'ai griffonné un début d'organigramme. On peut aussi s'interroger sur les ancêtres de notre protagoniste et même sur l'histoire du continent tout entier. Comme le dirait Feldup, le jeu est un véritable terrier de lapin qui cache des mystères dans des secrets dans des énigmes…

Le jeu de l'année ?

Blue Prince semble avoir eu un certain succès et plusieurs voix se sont élevées pour l'ériger d’ores et déjà au rang de jeu de l'année. Alors déjà, calmez-vous, on est seulement en avril… Et d'autre part, même si je considère que Blue Prince est un petit chef d'oeuvre dans sa catégorie, je ne peux pas m'empêcher d'avoir un immense reproche à lui faire. En effet, j'apprécie énormément les jeux qui respectent notre temps. Et après y avoir passé 50 heures, je pense que ce n'est pas le cas de Blue Prince.

Je me suis beaucoup demandé si le fait que les salles soient aléatoires était un point positif ou négatif pour la découverte et la résolution des énigmes. Je ne suis pas certain de la réponse. En revanche, je suis sûr d'une chose : c'est très addictif. J'ai eu du mal à en décrocher, parce que je voulais voir "une salle de plus"… Le jeu m'a rendu complètement accro. J'ai atteint la salle 46 au bout du 2e jour, après y avoir joué presque 10 heures d'affiler.

Il est clair que durant ses premières heures, Blue Prince nous montre tellement de nouveautés et de pistes que c'est très grisant. Découvrir une nouvelle salle est toujours très excitant et on se demande quels mystères se cachent derrière chaque porte. Cependant, au bout d'un moment, on fini par avoir une idée un peu plus claire de ce que l'on cherche et c'est là que l'aléatoire vient nous faire perdre un temps fou. Je vous ai dit qu'il y avait un système de craft et certains objets plus rares sont nécessaires pour interagir avec certains endroits. Et du coup, vérifier une hypothèse ou chercher une information peut vite être frustrant lorsque vous n'êtes même pas certains que vous allez trouver ce que vous cherchez dans une partie.

Pour citer quelques exemples, il y a une loupe dans le jeu, qui est très utile pour trouver des messages cachés dans les innombrables documents. Et bien si vous tombez sur un document intéressant dans une de vos parties, il faudra le trouver à nouveau lorsque la loupe sera en votre possession. Dans la même veine, il m'a fallu des heures pour parvenir à trouver les clés du coffre en même temps que la salle du coffre. Il y a bien quelques mécaniques pour influencer le hasard, mais elles sont loin d'être suffisantes.

Un jour sans fin

Pour revenir sur mon interrogation sur l'aléatoire dans un jeu d'énigmes, je pense que ça rend le jeu très excitant au départ. En revanche, ça le rend incroyablement fastidieux une fois qu'on a terminé des dizaines de parties. Lorsque le gameplay commence à être ennuyeux, dessiner les salles et accomplir toujours les mêmes actions dans l'espoir de pouvoir vérifier une théorie devient une vraie corvée. On a l'impression d'être dans un jour sans fin et j'aimerais juste avoir accès à un mode "créatif" pour pouvoir me concentrer sur les énigmes les plus difficiles sans avoir à tourner en rond dans un labyrinthe sans arrêt en mouvement.

De plus, tout est lent dans ce jeu. Les déplacements ne sont pas très rapides, plein d'animations sont impossibles à interrompre. Et certaines salles nous demandent d'accomplir certaines actions, toujours de la même façon. Juste parce que c'est la bonne stratégie pour diminuer nos chances d'être bloqué. Par exemple, lorsque je rentre dans certaines salles, je vais toujours ouvrir les coffres dont je connais la combinaison parce que cela m'offre une petite gemme. De même, chaque fois que je rentre dans une salle avec un terminal, la bonne chose à faire est de l'utiliser pour activer un bonus. Et c'est lent, tellement lent…

Blue Prince ne sera donc pas le jeu de l'année pour moi. Même si je le trouve incroyablement excitant et bien conçu. Je n'ai pas eu de moment d'intense compréhension ou d'épiphanie comme dans The Witness ou même Obra Dinn. Il y a bien quelques découvertes surprenantes, notamment certains lieux, mais Blue Prince est plus un jeu dans lequel on accumule les découvertes de façon lente et progressive. Malheureusement, sa répétitivité est trop horripilante pour que j'aie envie de pousser l'exploration bien plus loin. Dommage, j'apprécie les jeux qui vont au bout de leur concept et Blue Prince est très réussi. Mais au bout d'un moment, ce concept joue contre lui et j'aurais préféré vivre une expérience plus courte et mieux maitrisée à la Outer Wilds plutôt qu'une lente descente vers une inévitable lassitude.

Attention : le jeu est en anglais et certains indices reposent fortement sur le texte ou sur des jeux de mots. Il est très peu probable qu'il soit traduit un jour.