J'ai l'impression qu'il pourrait être pertinent d'inventer un sous-genre comme ça a été fait pour les "walking simulator". On pourrait appeler ces jeux des "simulateurs de discussions pendant que l'on travaille". C'est peut-être un long, mais c'est assez pertinent, car voici encore une fois un jeu narratif qui emprunte ce chemin. En effet, à l'instar de The Red Strings Club ou de VA-11 Hall-A, Neo Cab nous propose d'incarner une chauffeuse de taxi et de dialoguer avec les clients.

Notez que dans Neo Cab, on ne conduit pas vraiment. En dehors des dialogues, le gameplay est très basique. On doit simplement de choisir nos clients et décider à quel endroit on va refaire le plein ou dormir la nuit. Toutefois, ne voyez pas de ma part une critique de ce genre de jeu. Au contraire, ils me plaisent beaucoup. Il semble toujours s'en dégager une ambiance rassurante, relaxante, agréable… J'imagine qu'accomplir une tâche simple et répétitive vient donner une certaine structure au jeu tandis que les dialogues viennent apporter le plaisir de découvrir une nouvelle personne. En tout cas, c'est le cas dans Neo Cab et j'ai passé un très bon moment dans ce taxi. Les graphismes sont agréables, les personnages rencontrés ont des personnalités originales et les dialogues sont variés.

L'univers du jeu est situé dans un futur pas très lointain et désespérément crédible. D'une manière générale, la vie privée et la confidentialité ont fortement diminué et beaucoup d'inquiétudes actuelles sont mises en scène, voire parfois amplifiées. La reconnaissance faciale est très développée, la police a accès directement à l'identité de tous les citoyens juste en observant leur visage et les publicités utilisent les photos des personnes qui passent à proximité. On peut également trouver un produit assez douteux, à savoir un bracelet qui affiche ouvertement les émotions que l'on ressent. Ce n'est finalement pas si éloigné des bracelets fitness ou d'autres gadgets connectés que l'on peut trouver aujourd'hui et qui nous permettent de partager nos performances, sans que l'on sache trop ce qui sera fait de nos données.

Une grosse partie du jeu se concentre aussi sur les progrès automobiles. Les voitures automatiques qui sont omniprésentes ils constituent une grosse partie des transports dans la ville que l'on fréquente. Le travail de conductrice de taxi de notre protagoniste est ainsi menacé de devenir obsolète. Certains personnages se méfient des conducteurs humains tandis que d'autres sont totalement anti-véhicules, car ils les trouvent beaucoup trop dangereux.

A l'instar de services comme Uber, tout le monde est noté, que ce soit la conductrice ou ses passagers. C'est un élément très intéressant dans le jeu, car cela peut déterminer l'argent reçu et également menacer de nous faire perdre notre emploi. Il existe aussi certains clients "premium" qui demandent une note parfaite pour les conduire. Même si les clients nous demandent notre avis, on sera donc fortement encouragé à aller dans leur sens pour obtenir une bonne note. C'est parfois un peu frustrant, mais j'ai trouvé que ça amenait des réflexions plutôt intéressantes.

Les thèmes principaux rappellent donc un peu ce que propose la série Black Mirror, à savoir interroger notre rapport à la technologie. Toutefois, je trouve que Neo Cab le fait avec une plus grande subtilité. Les personnages ne sont pas spécialement angoissés et les technologies évoquées plus haut sont considérées comme quelque chose de banal dans cet univers. Les réflexions proposées nous sont rarement jetées à la figure et viennent plutôt se greffer aux dialogues. Même si ces préoccupations me touchent, il n'est pas indispensable de s'y intéresser pour apprécier le jeu qui propose de sujets assez variés.

D'une manière générale, j'ai beaucoup aimé les conversations à l'intérieur du taxi. Parfois, elles sont très drôles, comme lorsque ces touristes refusent de croire que Lina n'est pas un robot et décident de lui faire passer des tests. D'autres fois, on aura affaire à des personnages plus marginaux, comme cet adepte d'une secte révérant les émotions négatives ou cette jeune fille qui vit enfermée dans un costume géant pour la protéger de tous les dangers… D'autres fois encore, ce sont des rencontres bien plus simples, comme cette femme qui se rend à son premier rendez-vous avec un homme qu'elle a rencontré à distance. C'est à nous de choisir nos courses et il sera donc possible de suivre de nos histoires préférées et de laisser de côté les autres.

A côté de toutes ces tranches de vie, il y a également une intrigue principale et ce n'est pas la partie qui m'a le plus emballé. Tout d'abord, j'ai trouvé que la fin arrivait très vite et je serais bien resté quelques soirées de plus dans cette ville pour discuter avec tout le monde. J'ai peut-être mal choisi mes clients ou alors je suis passé à côté de quelque chose, mais lors de la scène finale, je ne me sentais pas vraiment très impliqué. En guise de "boss de fin", on a le droit à une confrontation verbale, mais je me suis senti trop détaché de cette relation avec la personne en question pour m'y intéresser. De plus, le rythme de cette conversation était assez haché et il ne paraissait pas très naturel. Je pense que ce dialogue dispose de beaucoup d'embranchements différents et j'ai ressenti la "gamification" qui se cachait derrière.

Cette déception a un peu gâché ma première partie. J'étais toutefois resté un peu sur ma faim et j'ai donc décidé de recommencer le jeu en ignorant autant que possible l'intrigue principale. J'ai terminé à nouveau le jeu en une soirée et ça a été une super expérience. Même s'il est assez court, il se trouve que la rejouabilité est très grande. Lors de ma seconde partie, j'ai découvert des personnages que je n'avais pas vu la première fois ainsi que la fin d'histoires que je n'avais pas poursuivis et qui ont pris une tournure surprenante. Il est donc dommage que l'on soit aussi limité dans le nombre de courses que l'on peut faire chaque jour, j'aurais aimé avoir la possibilité de jouer sans fin pour pouvoir tout découvrir !