Petite article inhabituel, mais je souhaiterais réagir à l'épisode du 3615 Usul du 15 septembre 2013 sur les scénarios. D'une part, vous vous en doutez, je ne partage pas son avis sur Bioshock Infinite, ce qui n'est pas grave en soit, mais je trouve ça dommage de donner aux gens un avis aussi tranché en tournant le jeu en ridicule.
D'autre part, je n'ai pas pu m'empêcher de trouver l'épisode frustrant, car le sujet qui s'avère intéressant et m'a amené à réfléchir sur l'état des scénarios dans le jeu vidéo. Est-il si dramatique ? Il s'avère que je ne le pense pas et je vais tenter d'apporter quelques éléments de réponse. J'essayerai d'être très léger sur les spoilers, vous pouvez lire cet article sans crainte.
1. Pour défendre ce pauvre Bioshock
Tout d'abord, Bioshock Infinite n'est pas un jeu sur le racisme, c'est un jeu sur les mondes parallèles. Comment fonctionnent-ils et qu'est-ce que cela implique pour les personnages et l'histoire ? Voici les questions que je me suis posé pendant le jeu. Tout comme Rapture, Columbia est une ville isolée du reste du monde, et donc devenue un peu folle. Les sous-thèmes évoqués sont nombreux : ségrégation, racisme, massacre des indiens, idéologie américaine, sectes... Mais ça n'est pas là que se situe l'enjeu, ces thèmes ne forment que le décor permettant de comprendre l'univers dans lequel on évolue.
Personnellement, je pense que le scénario de Bioshock Infinite est largement au dessus de la moyenne, il est riche et parvient même à remettre en question notre vision des précédents épisodes de la série. Les voyages dans le temps et les mondes parallèles sont des éléments très casse gueule pour la cohérence d'un scénario et Bioshock Infinite s'en sort très bien la dessus. Certes, tout n'est pas parfait, certaines scènes sont un peu bancales et on peut trouver pas mal de clichés, mais peu de questions restent sans réponse et si la moitié des jeux faisaient le même effort d'écriture, on n'aurait vraiment pas à se plaindre de la pauvreté des scénarios de jeux vidéos.
Le principal problème de ce jeu, c'est que son gameplay n'est pas assez bon et ne présente en lui même rien de très stimulant et le joueur est donc principalement poussé par l'histoire pour avancer. En conséquence, si on n'arrive pas se sentir impliqué dès le début, c'est foutu, et je comprend que des gens n'aient pas du tout aimé le jeu.
Pour en terminer avec Bioshock Infinite (car j'aimerais aborder d'autres jeux), on est libre d'avoir aimé ou pas, mais l'important est surtout d'avoir une opinion. Quand je lis les commentaires de jeuxvideo.com (oui je sais...) tels que "je suis bien content de ne pas avoir joué a Bioshock Infinite, et merci pour le spoil" je ne peux qu'être inquiet pour la crédulité de cette personne.
2. Les clichés du jeu vidéo
Intéressons nous donc aux twists faciles, aux gros clichés bien moches qui nous donnent envie de jeter notre clavier dans l'écran tant on sent qu'on s'est foutu de notre gueule (ah ! ah ! en fait tout ceci n'était qu'un rêve !) . Je suis d'accord avec Usul sur ce point, les twists faciles c'est chiant, mais je ne pense pas que l'utilisation d'un élément qu'on pourrait qualifier de cliché rende automatiquement un scénario mauvais.
Même les rêves peuvent donner lieu à de bons jeux. Links Awakening sur Game Boy est un bon exemple, le jeu nous explique tout le long que nous somme dans un rêve, mais il parvient tout de même à nous arracher un petit pincement au cœur à la fin. Usul a d’ailleurs abordé le sujet dans une précédente chronique.
L'amnésie est un autre sujet ultra classique dans le jeu vidéo. C'est un peu une solution de facilité, mais c'est tout de même une ficelle très utile pour laisser le joueur découvrir son environnement en même temps que le personnage. Encore une fois, un héro amnésique n'est pas synonyme de mauvais scénario : prenez Planescape Torment par exemple, la perte de mémoire du héro a été brillamment utilisée, de même que dans l'excellent Sanitarium. Seul film que j'évoquerai dans cet article : Memento, qui est tout simplement l'un de mes films préférés, ou le personnage principal n'a aucune mémoire immédiate. Et au passage, je voulais juste signaler que Tim, de Braid, n'est pas du tout amnésique :).
Le voyage dans le temps, pour en finir avec les clichés, est un procédé vu et revu, mais c'est en partie car il fait partie des délires de geeks, de se casser la tête pour imaginer ce qui pourrait se passer si on avait la possibilité de revenir dans le passé. C'est une source inépuisable de "what if ?" (on peut faire la même remarque pour les mondes parallèles au passage) et on peut faire de bonnes histoires avec des voyages dans le temps comme Chrono Trigger. On peut aussi citer aussi Day of the tentacle, qui utilise cet principe de façon géniale : les 3 personnages du jeu sont situés dans les mêmes lieux, mais à 3 époques différentes, et les actions effectuées dans une époque affectent le futur, donnant lieu à des énigmes bien tordues !
3. Parlons un peu de narration
Comparer les scénarios de jeux vidéo à un livre, ou même à un film est un peu injuste. La ou le livre peut se concentrer totalement sur l'histoire durant des centaines de pages, le jeu vidéo comporte des contraintes à la narration, et notamment une de taille : le joueur peut interagir.
Dès lors, l'auteur n'a plus la totale maîtrise du rythme : pour faire avancer l'aventure, des phases d'action ou de recherche sont nécessaires et l'esprit du joueur ne peut pas être focalisé totalement sur l'histoire. De même, la caméra est parfois confiée au joueur, et le scénariste peut donc perdre du contrôle à ce niveau là. Chaque jeu gère ce problème à sa manière, certains utilisent des cinématiques pour être sur que le joueur ne rate rien d'important, d'autres tels que Half-Life acceptent cette contrainte et laissent le joueur libre de regarder ce qu'il désire.
Le genre joue beaucoup et l'histoire n'aura pas la même importance suivant les jeux. Un jeu d'action aura plus de difficulté à proposer un scénario complexe qu'un jeu d'aventure ou un jeu de rôle. Les joueurs désirant profiter d'un bon scénario auront donc plus de chance de trouver leur bonheur en se tournant vers des titres tels que Fallout ou Grim Fandango (désolé pour les exemples un peu périmés, mais je ne suis plus tout jeune non plus !).
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a aucun espoir pour les autres genres, un scénario ne se résume pas à l'histoire. De nombreux jeux réussissent à produire de très bons dialogues ou des personnages intéressants sans imposer au joueur la lecture de centaines de textes. J'ai par exemple beaucoup aimé Deus Ex : Human revolution, qui propose une histoire assez simple, mais surtout des dialogues intéressant et qui incitent à la réflexion.
Tous les jeux ne choisissent pas de dévoiler leur histoire de la même façon au joueur. Certains jeux choisissent de nous exposer l'histoire intégralement à la façon d'un film comme dans Heavy Rain, et d'autres jeux ne dévoilent que la plus grosse partie au joueur via les passages obligés. Dans Bioshock par exemple, une grosse partie de l'histoire est située avant les évènements du jeu et il faudra chercher des enregistrements audio pour avoir plus d'éléments. Cela permet de contenter tous les joueurs : ceux qui désirent se concentrer sur le gameplay n'auront que les éléments principaux du récit, mais ceux qui désirent en savoir plus en ont la possibilité. Un autre exemple plus extrême serait Dark Souls : dans celui-ci, on ne vous livre quasiment rien, il vous faudra déduire l'histoire avec la description des objets, en observant son environnement et en écoutant les rares dialogues avec des personnages qui ne vous disent pas forcément la vérité.
Dans certains jeux, la richesse de l'écriture ne se situe pas toujours dans l'histoire principale. Skyrim propose une histoire est assez banale et ennuyeuse, mais il existe dans le jeu des centaines de livres qui permettent d'en apprendre énormément sur le monde qui nous entoure et de lire des petites histoires très sympathiques. Le joueur qui prendra la peine de les chercher et de les lire sera récompensé par la découverte d'un univers bien plus riche que ce que laissait supposer le jeu.
Même chose pour Mass Effect, l'histoire principale est racontée de façon assez classique au joueur via des dialogues et des cinématiques, mais il existe également le codex, une sorte d'encyclopédie gigantesque qui s'enrichit au fur et à mesure de la progression du joueur et qui permet d'accéder à des tonnes d'informations. La encore, il n'est pas utile de le lire, il est juste là pour les joueurs désirant une histoire plus élaborée.
Conclusion
Qu'est ce qu'un bon scénario de jeu ? Pour généraliser, on peut dire qu'il est réussi lorsqu'il parvient à retenir suffisamment l'attention du joueur pour le pousser à avancer. Certains jeux vont plus loin, mais d'autres n'ont pas l'utilité d'une bonne histoire. C'est pourquoi beaucoup de jeux se contente d'une histoire totalement anecdotique, le gameplay suffisant à procurer le plaisir de jeu.
Au final, je ne pense donc pas que le jeu vidéo soit si mal loti que ça niveau scénario et on peut en trouver de très bons. On établit souvent la comparaison avec les livres ou le cinéma, qui certes proposent des chefs d’œuvres, mais pour combien de daubes ? Y a-t-il un plus gros pourcentage de mauvais scénarios dans le jeu vidéo que dans le cinéma ou la littérature ?
Contrairement à certains, le 3615 de Usul m'a justement donné envie de jouer au jeu. La raison est que je voulais me faire ma propre idée du jeu et surtout du scénario. Selon moi, c'est une partie très importante du jeu qui dans aucun cas ne doit être mis de côté au profit du gameplay. Pour en revenir à Bioshock Infinite je trouve que Usul avait à moitier raison ou a moitié tort, chacun son point de vue.
Pour en remettre une couche par rapport à Bioshock :
Je reprend ce que j'ai écris sur Nesblog, ce que je reproche à Usul n'est pas d'avoir un avis négatif sur Bioshock Infinite, c'est de dire que ce jeu est un mauvais exemple pour les scénarios de jeux vidéo.
On n'aime ou on n'aime pas, mais c'est suffisamment rare que les blockbusters fasse un tel effort au niveau de l'écriture et de la mise en scène pour être signalé.
Pour appuyer mon propos, voici une review d'une personne qui n'a pas aimé le jeu : http://www.actionbutton.net/?p=3006.
Il n'a pas aimé le scénario, mais ça ne l'empêche pas d'écrire :
"I sincerely love that a game as visually and thematically dense as Bioshock Infinite exists. I admire that it aspires to narrative significance, among other games which cannot graduate beyond “shoot all the guys”. It refreshes me to, for once, experience a triple-A game behind which I constantly feel the presence of an author — not a committee, not a focus group: an author. I am weirdly flattered to no end that this sort of experience has grown up into the sort of interactive electronic entertainment corporations will pay Two Hundred Million Dollars for."
En résumé : Bioshock Infinite, ce n'est pas encore ça, mais il faut continuer à pousser le jeu vidéo dans cette direction.
Salut et merci pour tes articles !
Je voulais ajouter qu'effectivement, pour moi, le scénario et le background vont de pair.
Ainsi, pour un MMORPG par exemple, on ne peut pas vraiment dire qu'il y a de scénario à proprement parler: le gameplay l’empêche tout simplement (enfin, dans la plupart des cas). Néanmoins, on peut juger l'aspect général de "scénario" par tout l'univers et la richesse qu'on va pouvoir trouver dans le jeu.
Cela me fait penser au MMO Warhammer Online, qui proposait dans une sorte de livre dans le jeu des tonnes de renseignements sur chaque endroit du jeu, chaque bestiole, chaque quête ou chaque évènement. Il faudrait une vie pour lire tout ce que ce livre propose. Pour autant, le pitch qui justifie le jeu est tout à fait classique.
Ainsi, je me permets de dire que Warhammer Online a un bon scénario, alors que World of Warcraft en a un mauvais (ce n'est pas du troll gratuit, j'ai joué et apprécié les deux jeux).
Dans World of Warcraft, j'ai trouvé les dialogues des PNJ plutôt bien écrit, avec une bonne dose d'humour généralement :)
Ceci dit je vois ce que tu veux dire, merci pour ton commentaire.
Usul est un dieu vivant sa parole est sainte...
Il est là pouf faire du buzz les gars et ça marche, vous vous faites troller par un expert.
Bonjours Skrits
Je vient de finir Bioshock infinite hier soir
Je suis un grand amoureux de la série et j'ai trouver infinite bien écrit et franchement prenant
Surtout quand je suis retourner a Rapture pour quelque minutes
Le scénario n'arrive pas a la cheville de Biochock 1 car ce jeux et juste un monstre :)
Je trouve les personnage d'infinite un peu moins prenant que ceux de bioshock 1 car c'est difficile de faire mieux que Cohen en terme de personnage fou et attachant a la foi .
La fin de bioshock infinite prend au trip comme celle des 2 précèdents bioshock
Pour finir je trouve ça dommage que tu n'a pas parler des musiques des 3 jeux bioshock qui sont juste superbe (En particulier celle des Lutèce)
Merci pour la lecture et enfin dans un site ou on parle en bien de Bioshock Infinite